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2 - Lignes de temps.

mercredi 21 janvier 2009, par Valentin.

Mardi 20 janvier 2009, tard.

J’écris ces lignes en grelottant dans une chambre d’hôtel spartiate comme un hôpital militaire ; pas de connection Internet, pas de téléphone, pas de chauffage ni d’eau chaude, pas de savon ni de serviettes ; tout juste une simple couverture a-t-elle été jetée sur le lit, à même le matelas. Le tout pour trois cents francs la nuit.

Hier j’ai dormi dans un hôtel près de la gare, sordide à souhait (« je le connais, c’est un hôtel de passe », a dit Lewis). Même si (avec un réseau Wifi piraté), je suis resté sur Internet jusqu’à une heure avancée, à quatre heures le mec d’à côté avait encore la télé à fond la caisse. Ce soir, c’est d’un calme glacial... Demain, je reprendrai ma transhumance vers un autre hôtel, je ne sais pas encore lequel, et ainsi de suite, sans perdre l’espoir de trouver un endroit décent et pas trop cher.

J’avais prévu de raconter par le menu et chronologiquement l’histoire qui m’a mené aujourd’hui ici à Montpellier, mais la tâche s’avère plus difficile chaque jour. Cette histoire, je l’ai racontée et re-racontée tant et plus, au fil des interviews, des dossiers, des rencontres avec les uns et les autres, que les contours se font plus flous de jour en jour. Je crois que je vais plutôt procéder par petits coups de flash sur tel ou tel détail, tel ou tel moment de ces quatre dernières années.

Des coups de flash, c’est aussi assez symptomatique de mes journées ici. Des bribes de musique, que ce soit en répétition, en passant devant la loge d’un chanteur qui travaille, ou au détour d’un haut-parleur dans les bureaux, me renvoient à chaque instant à l’époque où j’ai écrit ces fragments précis (pour la moindre mesure, je suis toujours en mesure de dire exactement où je me trouvais quand je l’ai écrite, à quel moment de la journée, et ainsi de suite).

Entre le temps de l’écriture (plusieurs années), le temps des répétitions (plusieurs semaines), et le temps de la représentation (une heure et quelques), il n’y a rien de commun ; et pourtant, j’ai aujourd’hui l’impression de vivre dans toutes ces temporalités à la fois. Entendre un tableau entier de cet opéra peut me faire parcourir en quelques minutes un ou deux ans de ma vie, un ou deux ans de tribulations, de déboires, un ou deux ans à m’agiter comme dans un petit castelet.

Ces décalages de temporalité donnent le vertige, un peu comme la théorie de la relativité générale (votre frère jumeau part en voyage dans une fusée, et quand il rentre dix ans plus tard, il n’a vieilli que d’un an...). Et pourtant, il me faudrait choisir une ligne de temps pour commencer : raconter ici mes trois dernières années ? Ou bien mes trois derniers jours ? Le premier choix est sans doute plus profond, mais le second plus palpitant... On verra.

Coups de flash. Il y a tous ces fragments de musique, ces fragments de vie, et puis ces fragments d’histoire que l’on me demande de raconter, dans un sens, dans un autre, et puis avec toujours de nouveaux détails... Ce soir (invité à dîner chez Lewis Trondheim, sa femme Brigitte et leurs deux enfants Pierre et Jeanne), j’ai réalisé que la moindre de mes journées comptait plus d’événements que six mois de ma vie ordinaire.

Bon. Demain, fini les généralités. Je ne sais pas quand, ni comment, je ne sais pas encore sur quelle ligne de temps, mais je trouverai quelque chose de concret, précis et intéressant à dire ici.

Valentin

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